C’était étrange. Et un peu surprenant.

C’était comme si elle faisait tout pour trouver ce qui ne fonctionnait pas. Ce qui était brisé, ou défectueux, ou en panne.

Et ses efforts, de temps en temps, aboutissaient. Parfois, quelque chose s’était cassé ici, et là-bas quelque chose ne marchait plus. 

Il y avait aussi des articles effrayants dans le journal. Et des histoires tristes.

Chaque fois, lorsque sa recherche réussissait, c’était une preuve pour elle qu’elle avait raison, que la vie était dure, que les gens souffraient, et qu’elle-même avait tout raté.

Il y avait trois points lumineux qui l’accompagnaient. Lui et elles.

Mais puisque les points lumineux ne correspondaient pas à l’histoire qu’elle racontait, elle décida que c’était arrivé par accident. Presque par erreur. Et que cela ne prouvait rien.

Ainsi, la vie continuait tranquillement. Tous les quelques jours, le journal parlait d’une catastrophe lointaine, ou du monde qui se réchauffait plus rapidement que prévu, ou de l’antisémitisme qui surgissait de nouveau de gauche ou de droite, ou d’un politicien de mi culo qui disait, encore, une connerie, ou que quelque chose s’effondrait quelque part. 

Et de temps en temps, elle aussi avait du mal ou échouait dans une tâche qu’elle avait entreprise. 

Alors elle continuait à croire que le monde s’effondrait autour d’elle et qu’elle était, elle-même, très, très moyenne.

Lui, il voyait les choses différemment. 

D’abord, il croyait que le monde était globalement en ordre et que la situation générale s’améliorait. 

Il croyait aussi que si on voulait vraiment quelque chose et qu’on était prêt à faire des efforts pour l’obtenir, alors il n’y avait aucune raison de ne pas réussir. Bien sûr, cela ne fonctionnait pas toujours, mais il ne changeait pas d’avis. 

Il avait une grande confiance en lui. Et il était un peu naïf.

Mais plus que tout, il était toujours surpris qu’elle ne voit pas à quel point elle était merveilleuse, et intelligente, et belle. De temps en temps, cela le rendait triste. Et parfois, ça le mettait même un peu en colère.

Entre eux, chacun avait son rôle. Elle pensait, lui trouvait des solutions. Elle posait des questions, lui apportaient des réponses. Elle agissait par son cœur, lui par sa raison. Elle comprenait, lui réagissait. Il aimait et admirait, elle aimait et s’appuyait.

Et cela fonctionnait très bien.

Pendant de nombreuses années.

Et puis, ça s’est produit. C’est arrivé soudainement, mais pas immédiatement. D’abord, ils ont compris, ensemble, que quelque chose de très mauvais se passait. Puis ils ont compris que ça allait être long, difficile, compliqué et douloureux. Et finalement, ils ont compris que ce qui était ne serait et que ça allait être un gros bazar. 

Et ça s’est passé exactement comme ils l’avaient prévu.

Et là, en un clin d’œil, comme si toutes les années où elle pensait être moyenne, faible et incapable ne signifiaient soudainement plus rien. Elle était merveilleuse, intelligente et belle, et elle prit les rênes.

Elle organisait, soutenait et aidait. Elle savait, avant lui, ce qu’il voulait et ce qui l’aiderait. Elle venait, partait et accompagnait. Elle posait des questions et elle répondait. Elle lui tendait la main et lui offrait une épaule. Et il avait tellement besoin d’elle.

Elle était là pour lui. Le premier cercle de soutien et de protection. Un havre de stabilité en pleine tempête. Et elle avait presque oublié que le monde s’effondrait autour d’elle et qu’elle pensait être, elle-même, très, très moyenne.

Il était heureux avec elle. Elle était heureuse avec lui. De plus en plus.