Dédié à A et à S

La vie nous présente des situations complexes. Maladies, blessures, pertes, échecs, tristesse et deuil. Dans de nombreux cas, pour des raisons statistiques peu claires, il existe un genre de fraternité de difficultés. Elles s’accompagnent les unes les autres et viennent en groupes.

Pour certains, ces situations arrivent de manière totalement surprenante. Ceux-là sont spécialisés dans la méthode « Ça ne m’arrivera jamais ». 

D’autres se préparent à ces difficultés tout au long de leur vie. 

Et il y a même ceux qui sont réellement heureux, en secret, quand ils rencontrent un léger problème dont ils peuvent se vanter.

Mais alors, lorsque la difficulté est déjà présente, et après la phase de surprise, les gens réagissent de différentes manières.

Certains l’ignorent. Ils se disent : « Si je n’y pense pas, si je n’en parle pas, si je n’y fais pas référence, alors ça n’existe pas ».

Certains en font le centre de leur univers. Ils ne pensent qu’à cela. Ils ne parlent que de cela. Ils y font référence tout le temps. Ils sont souvent convaincus, en plus, d’être les premiers à jamais rencontrer une telle difficulté et que personne ne comprend ce qu’ils traversent, considérant que c’est la pire situation au monde.

Et d’autres acceptent la situation. « C’est arrivé, c’est là, il faut l’affronter du mieux que nous le pouvons ». Ce n’est pas que chaque instant est merveilleux et certainement pas que tout va bien ou que tout est facile. Il n’y a tout simplement pas d’autre choix que de faire face et d’essayer de profiter tant que c’est encore possible.

Souvent, les observateurs considèrent ce dernier groupe comme celui des forts, des courageux, des héros.

Mais cette analyse est basée sur une combinaison de mythes des temps modernes. Des théories presque perverses qui rejettent la responsabilité sur ceux qui, il y a une minute à peine, ont été touchés par le coup de massue de la vie.

En anglais, on appelle cela « Toxic Positivity » ou « Positivité toxique ». Une sorte d’obligation qui nous est imposée, peu importe la situation, peu importe quelle merde nous tombe sur la tête, d’être forts, joyeux, courageux et souriants.

Et pour aggraver encore davantage la situation, on associe cette stupide exigence de positivité avec une vision du monde encore plus tordue, celle de « rien ne s’oppose à la volonté ». Ça c’est carrément un mensonge.

Non seulement dans les situations les plus dévastatrices on nous demande d’être « positifs », mais on ajoute encore une couche en disant « tout dépend de toi ». 

Moi, je soutiens que ce n’est pas vrai. Il y a certainement des choses qui s’opposent à la volonté et tout ne dépend pas de de moi. Absolument pas.

Si je pouvais choisir, je ne serais pas malade, je ne passerais pas mon temps en traitements et je ne causerais pas de soucis à tout le monde, sans parler des douleurs et des nausées que je laisserais de côté sans y penser deux fois.

Donc, le groupe de personnes qui accepte la situation telle qu’elle n’est pas un groupe de personnes fortes et héroïques qui savent gérer les difficultés et qui contrôlent leur propre destin. 

C’est juste un coup de bol. Ils ont simplement eu de la chance et sont nés positifs, ce qui rend l’affrontement des difficultés plus facile.

Ceux qui se retrouvent dans l’un des autres groupes ont donc un peu moins de chance. 

Je ne peux seulement pas imaginer combien d’énergie il faut pour ignorer la situation. 

Ou combien de souffrance est impliquée dans le fait de supporter la difficulté à chaque instant d’éveil (et probablement même pendant le sommeil). Pour ces gens là, c’est une lutte et elle est est bien difficile.

Nous ne sommes ni courageux, ni héroïques, ni forts.

Nous sommes simplement chanceux.