Presque, presque la fin est arrivé soudainement. Le soir, il n’était pas là. Je n’étais pas en train de l’attendre, ou de le chercher. Mais il n’était pas là. J’en suis presque certain.

Et la nuit, il se balade dans la chambre. Ce n’est pas que j’étais seul. Ce n’est pas que j’étais inconfortable. Ou que j’avais froid. Ou que soudain quelque chose me faisait plus mal que d’habitude.

C’était simplement évident. Presque, presque la fin est ici.

En cette affaire, presque, presque la fin est très différente du tout début, ou du début en soi, et certainement du milieu.

Le tout début est arrivé, lui aussi, de façon inopinée. Mais lui, c’était une vraie surprise. Je n’avais jamais pensé qu’il pourrait arriver un jour.

Après le tout début, on sait que le début en soi va arriver, et que le milieu viendra aussi, et ensuite presque, presque la fin. Peut-être. Presque sûr.

Mais on oublie un peu.

Quand le tout début s’est présenté, je pensais que c’était la chose la plus terrible qui pouvait arriver. Aujourd’hui, cela me semble un peu dommage. Parce que même si le tout début n’était vraiment pas chouette, on comprend, en fin de compte, que ce n’était pas si terrible. C’était simplement le tout début.

Le début en soi et le milieu sont très différents du tout début. Ils sont aussi très différents du presque, presque la fin.

Lorsqu’on comprend que voilà, c’est fait, le début en soi est là, ou que le milieu est finalement ici, ils sont, en fait, déjà arrivés depuis un certain temps. C’est simplement qu’il nous a fallu quelques semaines ou quelques mois pour comprendre que la situation a évolué. Ils n’arrivent pas vraiment de manière inattendue. Même si nous sommes surpris. Ils sont déjà là depuis longtemps et nous ne les avons pas remarqués. Ne pas remarquer des choses ça arrive.

Avec presque, presque la fin, c’est différent. Quand il est là, c’est très surprenant, comme le tout début. Ce qui est un peu étrange car nous savions que, lui aussi, viendrait peut-être, un jour.

Le public averti augmente également avec le temps. 

Sauf quand presque, presque la fin arrive.

Dans le monde, naissent 5 enfants chaque seconde. Environ. Les chiffres me calment toujours et m’aident à organiser mes pensées.

Au tout début, moins d’une seconde de naissances. Nous y étions tous les deux, avec le médecin. 

Il est venu avec le tout début dans une sorte de pochette en carton rouge sur laquelle mon nom était écrit. Et ma date de naissance.

Puis, d’une voix calme et un peu sévère, il a sorti le tout début de la pochette et l’a laissé se promener dans la pièce entre nous.

Au début en soi il y a trois environ fois plus de public.  Plus ou moins trois secondes de naissances.  Nous le disons à nos meilleurs amis et à la famille la plus proche. En partie.  Disons que 15 personnes ont soudainement rencontré le début en soi.

Eux aussi sont très surpris par la rencontre. La plupart d’entre eux n’aime pas vraiment le début en soi. Comme nous.

Mais une petite partie l’apprécie quand même. Soit parce qu’ils savent déjà que c’est simplement le début en soi, soit parce qu’ils aiment les débuts en soi de ce genre.

L’une des démonstrations claires, qui montrent que nous avons compris, avec du retard, que le début en soi n’était plus ici et que le milieu avait pris sa place, est quantitative. Environ 10 secondes de naissances ont déjà rencontré le début en soi.

À certains, nous avons décidé de raconter nous-mêmes.  D’autre l’avaient appris par d’autres personnes.

Bien souvent, ceux qui apprécient les débuts en soi de ce genre aiment beaucoup aussi partager avec d’autres leur rencontre avec un nouveau tout début.

Je crois que le genre de personnes qui apprécient les débuts en soi rêvent secrètement de rencontrer un tout début rien qu’à eux.

D’une manière générale, l’un des signes du milieu est que l’on parle de nous de plus en plus et un peu moins avec nous.

Le temps, lui aussi, est un signe évident du milieu.

Nous comprenons, doucement, que le début en soi nous a quittés depuis un certain temps, et que nous nous sommes habitués à une situation nouvelle, parallèle à la vie que nous avions avant de rencontrer le tout début. Parallèle à une vie qui continue à l’extérieur depuis cette rencontre.

Notre temps coule soudain un peu différemment. Il ne parvient pas toujours à maintenir une direction constante. Il ondule paresseusement.

Et même si nous ne sommes pas vraiment habitués à cela, de temps en temps, c’est agréable.

Mais quand presque, presque la fin arrive, il n’y a pas d’audience.

Lui, il est là. Il est évident et il se balade dans la pièce, mais je suis le seul à le voir. 0,2 seconde de naissances.

Le milieu est parti. C’est un peu dommage car je m’y étais habitué. J’ai même appris à apprécier un peu le milieu. Mais voilà. C’est fini.

Pour l’instant, je garderai cela pour moi je pense. Je ne le raconterai pas. Même pas à elle. Que presque, presque la fin est là.

Quand elle comprendra, cela la rendra triste.

Et elle dort paisiblement.