Dédié à l’équipe médicale merveilleuse

« Bonjour Monsieur. Prénom ? Nom de famille ? Date de naissance ? Comment ça va aujourd’hui ? »

« Moli Kofar, 11/01/1972 – ça va comme hier. »

« Je serai l’infirmière responsable de vous jusqu’à ce soir. Comme hier. Comment ça va aujourd’hui ? Douleurs ? Nausées ? Quelque chose de nouveau ? Vous vous souvenez qu’il faut tout dire ? »

« Oui, je me souviens. Après le traitement précédent, ça n’a pas été simple. Vraiment. Très compliqué. Maintenant, ça va mieux, mais j’ai toujours un peu mal au cou et aux bras. À part ça, les douleurs habituelles dont nous avons déjà parlé plusieurs fois sont encore là. »

« Je comprends. Et cette douleur, c’est une douleur ou une tension musculaire ? Et sur une échelle de 0 à 10, à quel point la douleur est-elle forte ? »

« Je trouve toujours difficile de noter ma douleur. C’était environ 6 ou 7, et maintenant c’est peut-être 4 ou 5. Quant au type de douleur, c’est une douleur qui fait mal. »

Moli ressentait un attachement à sa douleur et il ne voulait vraiment pas la heurter ou la blesser.

« Je vois aussi que vous avez des taches bleues sur la face interne du coude. »

« Oui, ce n’est rien. À droite, c’est la prise de sang que j’ai faite la semaine dernière. La technicienne était jeune et elle a un peu raté. Et de l’autre côté, c’est la prise de sang d’hier. »

Moli a toujours peur d’offenser l’équipe médicale, qui est vraiment merveilleuse et qui prend tellement soin de lui.

Alors, il n’a pas dit à l’infirmière que quand il avait vu hier la même jeune technicienne qui l’a piqué au laboratoire quelques jours avant il s’est alors dit: « Oh mon Dieu, ça va être difficile ».

Et que c’était vraiment le cas. 

Elle a piqué à nouveau, comme la dernière fois, lentement et avec une main légèrement tremblante. Il a dit : « Je pense que vous êtes un peu à côté ». 

Elle a dit: « Ne vous inquiétez pas, ça va aller dans quelques secondes ». Mais il s’inquiétait, et ça n’allait pas vraiment au bout de quelques secondes. 

Elle cherchait un peu à droite, un peu à gauche, un peu en haut, un peu en bas, et elle n’a rien trouvé. Elle a piqué à nouveau. Et a encore manqué. Puis elle a demandé de l’aide. Une autre technicienne est arrivée. 

Elle a regardé Moli. Puis la jeune technicienne. Puis à nouveau Moli. Et elle a dit: « Pouvez-vous me donner l’autre bras, s’il vous plaît ? ».

Moli s’est tourné. Elle a légèrement nettoyé la peau, puis a dit: « Prêt ? » Et avant que Molly puisse répondre oui, c’était déjà derrière lui. 

Moli a décidé que s’il se retrouvait face à la jeune technicienne la prochaine fois, il lui dira que tout allait bien et qu’il était sûr que cette fois-ci ça ira. 

Il pensait que si elle se sentait à l’aise, elle serait moins stressée et alors tout irait vraiment mieux. 

Moli a toujours été un peu naïf. 

De toute façon, même si on lui a dit de tout dire, il n’a pas dit tous ces détails à l’infirmière. Il a décidé que cela n’avait aucun sens et que cela n’aiderait personne. 

« Prénom ? Nom de famille ? Date de naissance ? Comment ça va aujourd’hui ? » 

« Moli Kofer, 11/01/1972 – comme hier. Et comme il y a trois minutes ». « Oui, je voulais juste être sure. Et d’autres symptômes ? Rien de nouveau ? »

« En fait, si », dit Moli. 

Et là il a compris, tout de suite, qu’il n’avait pas le choix. 

Il fallait le dire. Dès que la phrase lui est sortie de la bouche, il a su qu’il n’y avait plus de retour en arrière possible.

Maintenant, il devra tout dire, et il y a environ 71 % de chances qu’elle pense que le traitement a affecté son cerveau d’une manière ou d’une autre, ou qu’il est simplement perdu la raison. 

Et qu’il y a de bonnes chances qu’il soit sur le point de rencontrer un psychiatre qui prescrira à la fois des calmants et peut-être un traitement contre la démence. 

« Depuis quelques heures, j’entends des voix. » 

Et avant que l’infirmière n’ait le temps de digérer cette information un peu surprenante, Moli continua : « Pas des voix comme si quelqu’un me parlait. Des bruits à l’intérieur de l’oreille. Comme de petits souffles aigus. Deux ou trois à chaque fois. Parfois dans l’oreille droite et parfois dans l’oreille gauche. Sans ordre. Sans raison. Sans explication. J’ai essayé de comprendre d’où ça vient, et je suis plus ou moins sûr que c’est à l’intérieur de mes oreilles. » 

L’infirmière regarda Moli et dit : « Prénom ? Nom de famille ? Date de naissance ? ». Et Moli répondit : « Moli Kofer, 11/01/1972 – comme hier ».